MARS 2012 1ère partie

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MARS  2012

 

De la Saint Aubin à la Mi-carême

 

Chronique féminine

 

 

Le Salon de l’Agriculture a fermé ses portes et les poulettes ont regagné le bercail. Fourbues. C’est qu’elles en ont vu du monde, et ce n’était pas pour leur déplaire. Elles aiment la compagnie et elles s’en sont donné à cœur joie. Il faut dire qu’elles ont été gâtées et ont eu des visiteurs de choix, tous candidats à une présidence, même à la présidence de la République. Pour l’occasion, elles étaient toutes là, les unes perchées sur leurs longues guiboles un peu maigrelettes. L’autre qui faisait sa mijaurée, minaudait devant les garçons et picorait du bout du bec ; la timide, dans son coin, qui les regardait par en-dessous ; et une avec son œil mauvais et la crête en bataille qui faisait voler rageusement la paille de l’enclos. La coquette, un peu aguicheuse, semblait de ne pas s’apercevoir que le courant d’air lui retroussait les plumes et découvrait ses dessous, une autre toujours dans les pattes du coq qui la fuyait pourtant à grandes enjambées, celle qui ne pensait qu’à picorer, jurant ses grands dieux qu’elle commencerait le régime dès le retour à la maison. Aussi la mère poule, affolée, toujours inquiète et stressée ; et l’autre tête en l’air qui avait constamment perdu un poussin ; le pauvre petitou, affolé, courait de l’une à l’autre en piaillant ; la dodue, bien de sa personne, à point pour passer à la casserole, la naine, agressive, une vraie teigne, et la poule de luxe, fardée dès le matin, emperlousée de pierrailles, qui ne voulait pas se mêler à cette volaille, et dédaigneuse, marchait précautionneusement sur la pointe des pieds ; la dominatrice, poule à moitié coq, un vrai cheval, et la gentillette, la future bonne ménagère, qui s’efforçait de pondre son œuf tous les matins, malgré le bruit et la fureur ambiantes, pour faire plaisir. La rigolote enfin, la bonne vivante, toujours à glousser de joie, s’amusant d’un rien, d’une mine d’officiel embarrassé d’un goret dans les bras, d’une miss choucroute, d’une miss bressane, totalement incongrues au milieu des volatiles. Aussi l’intellectuelle à l’élégance sûre, la tête un peu penchée, un peu absente dans ce brouhaha, déjà ailleurs peut-être, mais faisant bonne figure, à l’aise même dans ce milieu trivial. Enfin la maline qui aurait bien voulu, dans le fond, voir le renard, le vrai ; bien déçue : ceux qu’elle a entre aperçu n’étaient que de vieux renards de la politique, dans les allées du pouvoir … La poule mouillée était là également ; avec son air de mignonne Cosette on l’aurait volontiers bien prise sous notre aile. Et surtout n’oublions pas la Poule rousse du Père Castor qui avait toujours une histoire à raconter ! Pour des raisons évidentes de sécurité et compte tenu de la crise, le poule aux œufs d’or était restée au coffre.

Tout ce beau monde a caqueté à qui mieux mieux ; c’est qu’elles s’en seraient donné la pépie ! Elles s’intéressaient à la Présidentielle, en fait, à la Campagne, et au printemps, et à bien d’autres promesses, de vermine et vermisseaux tout frais, d’herbe tendre, de pissenlit, d’orties fines, de salade, et ces fumées de broussailles qu’on brûle dans les prés et que le vent tourbillonnant de mars s’amuse à disperser et à vous renvoyer dans la figure.

Les coqs s’efforçaient de s’abstraire de ces considérations terre à terre. Ils ont écouté attentivement les candidats qu’ils n’ont pas trouvés à leur hauteur. Et ils ne se sont pas prononcés. Il est vrai qu’ils ont l’habitude de tourner avec le vent. Ils étaient surtout inquiets pour leur panache, maltraité dans cette promiscuité. « Ces m’as-tu vu ne se rendent même pas compte qu’ils portent leur fameux panache comme un plumeau, au trou du cul ! » a dit la rigolote. On en a bien ri dans les basse-cours.

 

Le Salon a donc fermé ses portes, les caquetages se sont tus. On l’a tout au moins espéré … Et on a pu célébrer la Journée internationale de la Femme. L’ONU avait déterminé un thème : « autonomisation des femmes rurales et leur rôle dans l’éradication de la pauvreté et de la faim, le développement et les défis actuels ». Vaste programme, sachant que soixante pour cent des personnes souffrant chroniquement de la faim sont des femmes et des filles. On a donc parlé d’autre chose. A grand renfort de statistiques, les ménagères ont prouvé que les hommes se ménageaient trop et ne ménageaient pas assez. Pour se racheter, les hommes ont  répondu à l’appel des pétitions et signé des pétitions à la pelle. Et cette journée a  heureusement pour eux bien vite passé. Où l’on nous a rappelé qu’il existait les Droits de l’Homme, une déclaration universelle, et des droits de la Femme, ce qui prouve bien que la femme n’est pas un homme comme les autres.

On a appris que la Première Dame de France supportait son mari. La belle affaire, toutes les dames de France supportent leur époux, les Dames de France, mais aussi la Belle Jardinière et la ménagère de plus ou moins cinquante ans ! Certaines réalisent même l’exploit de supporter leur mari supporter.

On a parlé deux jours et vite on a oublié les plumassières italiennes  de Nogent sur Marne. Mais qui a senti cette puanteur des plumes déchargées par pleins sacs, qu’il fallait laver, dégraisser, relaver encore, avant de pouvoir les sécher, les trier et les travailler artistiquement ? Et qui s’est souvenu de Le Nogent des Italiens de Marie-Claude Blanc-Chaléard et de Pierre Milza et de Les Ritals de François Cavanna, lui-même originaire de Nogent, ces Italiens du Val Nure dans les Apennins au sud de Piacenza, venus travailler comme maçons, les premiers d’entre eux employés à la reconstruction de viaduc de Nogent, détruit en 1870. Ce Nogent des guinguettes, des bals musette où ont fraternisé les Auvergnats de la rue de Lappe, leur vielle et leur cabrette et les Italiens avec leur « fisarmonita ».

 

Les femmes ont été bien aise d’apprendre que les hommes s’intéressaient à des courbes, les leurs sans doute, mais plus encore celles des sondages. Et que le dictateur syrien respectait l’égalité des sexes et massacrait indifféremment hommes, femmes, petits garçons et petites filles, en toute équité.

D’aucuns affirment que si les associations sont si nombreuses en France, c’est pour satisfaire cet appétit de présidence, à défaut, de vice présidence. Et qui a-t-il de plus beau qu’un Président Honoraire, surtout sur un avis de décès !

  Enfin, pas tant que ça !

On n’a pas finassé avec l’année bissextile, la journée eut été plus longue d’un chouya.

Editions Autrement, 1997

Le Livre de Poche, 1978

  Le biniou, la cabrette, et l’accordéon-musette avec ses sons aigres.

  Ce sont les maçons limousins qui avaient construit le premier viaduc.

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