CHRONIQUE 07-10

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CHRONIQUES  2010

 

SEPTIEME  SEMAINE

 

Des exploits de l’Homme  et des expériences du même. Du bruit de fond du pays de Tohu-Bohu. Des faux émules de Stevenson. De la nourriture communautariste. Des Temps modernes.

 

L’époque est aux exploits et aux expériences de toute sorte. En la matière, l’inventivité de l’Homme est sans limites. Et de la Femme. Vous l’avez tous vu cette jeunette, aux Jeux olympiques d’hiver, se lancer intrépidement dans cette descente vertigineuse, et gagner haut la main. La petite n’a pas froid aux yeux. Et, dès l’arrivée de la course,  poser pour des photographes, en maillot de bain deux pièces,  sur la neige. Pas froid aux yeux sans doute, mais pas non plus froid ailleurs. Il est vrai qu’elle a le physique de l’emploi et que ça peut rapporter gros. Nos champions de biathlon en ont failli s’emmêler les skis et manquer leur cible.

Plus sérieusement, des chercheurs vont passer une semaine sans  contact avec l’extérieur. Pour se tenir au courant de la vie du Monde, ils n’utiliseront que les réseaux sociaux, particulièrement Facebook et Twitter. Ce dernier est admirable. Son slogan : what’s happening ? Sa finalité : diffuser de l’information en temps réel. Une seule contrainte : utiliser 140 caractères maximum. Le tout gratuitement et sans contrôle. Donc tout le monde twitte, les grands de ce monde, ceux qui le sont, ceux qui croient l’être, ceux qui voudraient l’être, ceux qui l’ont été, ceux qui le seront peut-être. Et puis les petits de ce monde, les grands petits, les moyens petits, les tout petits petits. Ceux qui ont quelque chose à dire (en 140 caractères, c’est difficile), ceux qui n’ont rien à dire (et 140 caractères c’est beaucoup). Il y a les followers et les followings. Obama est suivi par des milliers de followers qui attendent tous une réponse, qui rêvent qu’il devienne leur following. Un « tweet », c’est parait-il un gazouillis, en anglais. C’est maintenant un énorme tintamarre, un tohu-bohu d’enfer. Nos chercheurs vont vite demander grâce et quitter leur expérience les oreilles exorbitées[1]. Ils auront appris, en temps réel qu’ « Alfred a mangé une pomme », que «  la pizzeria Ben Ali fait une promo sur la Margarita » et que « L’huile de l’épicier du coin est de bien meilleure qualité que l’huile de l’épicier d’en face, elle est même meilleure que l’huile de l’épicier du bas de la côte. »[2]. Ils sauront que « le petit chat est mort ». Et bien d’autres choses capitales pour la marche du Monde. Où il importe avant tout de suivre ou d’être suivi. Ils croiront peut-être avoir entendu le chant de l’homme. Détrompons-les. « Je n’ai pas entendu le chant de l’homme, le chant de la contemplation des mondes, le chant de la sphère, le chant de l’immensité, le chant de l’éternelle attente. Mais j’ai entendu son chant comme une dérision, comme un spasme. »[3]

Pour ne pas être en reste, d’autres chercheurs vont passer une semaine enfermés devant des téléviseurs. Dans les Cévennes. On doute de leurs facultés mentales. En effet, on se doit d’aller dans les Cévennes avec un âne, ou mieux une ânesse, l’ânesse Modestine[4]. Mais que faire d’un téléviseur ? Il faut partir du Monastier sur Gazeille, en Velay, au pied du Mézenc, cheminer, après Goudet et son château ruiné dominant la Loire, vers les hautes planèzes  et les murets de lave qui délimitent les pâtures. Traverser le Gévaudan et le mont Lozère granitiques pour  atteindre les Cévennes, abandonner les toits de lauzes pour les toits de tuiles et dégringoler les pentes retenues par les terrasses de pierres si péniblement construites et par les forêts de châtaigniers[5]. C’’est faire injure à Stevenson, l’auteur de l’Ile au Trésor, de l’Etrange cas du Dr Jekyll et de Mister Hyde, que d’utiliser dans ces lieux, des ustensiles aussi peu adaptés que des téléviseurs à la majesté des paysages.[6]Alors que tout vous parle autour de vous de la rudesse de la vie rustique, de l’exode rural, des camisards et des assemblées du Désert, des magnaneries, de l’antique économie de la châtaigne. S’enfermer avec des téléviseurs dans les Cévennes ! Pourquoi pas un lecteur de D.V.D. au sommet du Mont Coin (2539m)[7], dans le Beaufortain !

 

Une chaine de restauration rapide, disons comme ça, n’utiliserait que de la viande hallal pour fabriquer sa mangeaille. Comme dit ma tante qui suit l’actualité dans son E.P.E.H.A.D. : « Quoi qu’ils fassent, on n’y mangera toujours que des cochonneries. Les musulmans n’en voudront pas, hallal ou pas hallal ! »

 

Comme on le voit, nous allons vers des Temps modernes.

 

 

 

 



[1] Si. C’est possible, dans les cas extrêmes.

[2] Eugène Ionesco, La cantatrice chauve, acte I

[3] Henri Michaux, Epreuves, Exorcismes.

[4] Robert Louis Stevenson, Voyage avec un âne dans les Cévennes.

[5] « Les Cévennes offrent le roc, rien que le roc … vous sentez la lutte de l’homme, son travail opiniâtre ». Jules Michelet

[6] « Quant à moi je voyage non pour aller quelque part, mais pour marcher. Je voyage pour le plaisir de voyager … l’important est d’éprouver au plus près les nécessités et les embarras de la vie, de quitter le nid douillet de la civilisation, de sentir sous mes pieds le granit terrestre et les silex épars avec leurs coupants. » Robert Louis Stevenson

[7] Chacun sait qu’au sommet du Mont Coin, on est Moin Cont.

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