CHRONIQUE 43

Publié le

CHRONIQUES  2009

 

 

QUARANTE – TROISIEME  SEMAINE

 

 

EPAD et EPHAD. Mondialisation kabyle. Vive le vent. Évitons les poêles. Grandeur consécutive d'Allah.

 

 

L'affaire Sarkozy, le Jean, a fait grand bruit. Les EPHAD en résonnent encore. C'est que voir un jeunet diriger leur établissement a remué bien des anciens, enfin ceux d'entre eux qui sont encore en mesure de suivre l'actualité télévisée dans leur fauteuil sans sombrer dans d'interminables siestes. Ma vieille tante en a été déboussolée. C'est qu'elle se tient au courant, dans son EPHAD, et s'efforce de comprendre la vie moderne actuelle, telle qu'elle la devine se dérouler à l'extérieur de sa bulle. Elle plaint beaucoup les jeunes, incertains de leur avenir, soumis à toutes les tentations, contraints de vivre aux basques de leur parents. Elle est heureuse de voir que quelques uns arrivent, par leur travail, leurs études, à se faire une situation. Elle, qui était déjà placée à quatorze ans, a eu très tôt des responsabilités, dès son certificat d'études en poche. Elle sait bien que la valeur n'attend pas le nombre des années. Elle se souvient de Joseph Bara, le petit tambour républicain de la guerre de Vendée, tombé héroïquement, à treize ans, dans une embuscade. On lui a parlé de Rimbaud, le poète de seize ans et de Mozart. Mais elle sait aussi que nos jeunes actuels, nourris au maïs, au yaourt allégé et au coca-cola, sont encore bien tendres à vingt-trois ans. Alors diriger une EPHAD pleine de personnes âgées souvent difficiles, souvent acariâtres et aigries, en mauvaise santé, en perte d'autonomie, en perte de mémoire , et d'autres pertes encore, irrépressibles ! Avec tous les maux de la vieillesse, d'une vieillesse souvent abandonnée par les familles. Toutes ces chaises roulantes, ces régimes alimentaires ! On lui a dit qu'il s'agissait de l'EPHAD de La Défense. Encore plus difficile, d'anciens militaires, habitués leur vie durant à commander et à se faire obéir à la baguette, scrogneugneu ! Ils ne feront qu'une bouchée de cette bleusaille. Le Jeannot aurait fait du théâtre, avec la fille de Bernard Tapie ; son EPHAD de la Défense deviendrait vite le théâtre aux Armées. Il aurait un conseiller personnel en communication, un peu comme le petit Mozart, avec son père comme impresario, mais ce genre de conseiller, c'est bon pour la télé, pas pour le vrai travail de la vraie vie.

Elle vient d'apprendre qu'il n'était pas question de son EPHAD, mais de l'EPAD , quelque chose de plus important encore, sans hébergement, sans personnes âgées, et que, après une semaine de brouhaha, Jean renonçait à son projet. Elle l'a vu à la télé. Elle a regretté ses cheveux longs bouclés, n'a pas aimé ses lunettes trop strictes et sa veste trop épaulée. Elle a trouvé qu'il était dommage que, si jeune, il joue déjà à l'homme et au politicien. Elle a déduit de tout cela qu'elle était bien vieille, que la politique était une drôle d'activité et que les EPHAD étaient faites pour les vieux et l'EPAD pour les jeunes.

 

Il est bon de lire, de temps en temps, la Dépêche de Kabylie.[1] D'abord cette lecture rappelle des souvenirs encore vivants d'un beau pays ravagé par la guerre. Des montagnes, la montagne encore, éblouissantes dans les matins d'hiver. Des enfants en loques, attachants et confiants. Des anciens qui savaient rester dignes malgré le mauvais sort qu'on leur faisait. Et cette poésie, précieusement et fidèlement recueillie  par Jean Amrouche et sa mère.[2] Mais ce journal évoque plus prosaïquement l'inauguration de tronçons de l'autoroute de Bouira à Bordj Bou Arreridj par le ministre des Transports, accompagné d'un représentant de l'ambassade de … Chine, qui a été chaleureusement remercié pour l'aide apportée par les ingénieurs et ouvriers chinois. La mondialisation est en route, et peut-être une colonisation d'un nouveau genre, plus efficace que l'ancienne.

 

Plusieurs états des U.S.A. viennent de voter une loi interdisant aux associations de quartier d'interdire l'étendage du linge dans les jardins. Une sénatrice défend ainsi ce qu'elle appelle « le système de séchage éolien ». Il convient de favoriser cette initiative qui ne peut que contribuer grandement aux indispensables économies d'énergie. Revenons à l'étendage en plein air et à la poésie des draps et des petites culottes claquant  au vent.

Les poêles en Téflon contiennent des PFOA, dangereux pour la stérilité masculine. Messieurs, adieu bifteck, c'est maintenant viande bouillie et boeuf mironton. Je recommande l'osso-buco, regardez Berlusconi, il a toute sa vitalité.

 

Et c'est ainsi qu'Allah est grand.



[1]    Voir son site internet, depechedekabylie.com

[2]    Chants berbères de Kabylie, Jean Amrouche, Éditions de l'Harmattan, collection « Poésie et Théâtre », dirigée par Albert Camus.

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