CHRONIQUE 42

CHRONIQUES  2009

QUARANTE – DEUXIEME SEMAINE

De la musique avant toute chose, V.E.R.D.I. Archéologie auvergnate. Retour à Busseto. Voyages dans la Lune, de Cyrano à la NASA. Tracteurs manifestes. Des nèfles. Grandeur consécutive d'Allah.

« L'ultime symphonie de Verdi ». C'est un des titres de La Montagne, journal auvergnat. Le grand Verdi ? Le compositeur populaire dont chacun connait au moins un ou deux airs, « La donne e mobile », de Rigoletto, « la Marche triomphale », d'Aïda, « Va pensiero », de Nabucco, les lamentations des Hébreux prisonniers à Babylone ? Verdi engagé politiquement au côté de Garibaldi ? Verdi, à Cournon d'Auvergne ! Ce Cournon qu'on a connu au milieu de ses vignes, abritées du nord par le Puy de Banne, bien serré autour de son église romane et de son château où était l'école, avec l'Allier tout près, et ses ginguettes, et ses restaurants à friture, et le vin de Dallet. A l'horizon, les puys de la Comté d'un côté, de l'autre, au fond, la chaine du Sancy, de l'autre encore, le plateau de Gergovie, haut lieu gaulois. Il n'y a guère, les paysans mettaient au jour, en labourant, des souvenirs de l'armée romaine qui avait campé par là. Le garde-barrière, sur la route de la plaine, avait dans son appentis, une bien hétéroclite collection : fibules, agrafes de ceinture, morceaux de casques, anneaux de fil de fer d'armures, boites de corned beef, tuyaux de pipes, poignées de glaives et même une plaque où subsistait une inscription aux traits malhabiles dont il disait qu'elle signifiait, en bas-latin, « vive la quille », et un anneau gravé : « Cornelia pour son Tullius »¹, et des masques à gaz, encore effrayants.

Depuis, Clermont-Ferrand a tout phagocyté, les vignes ont été arrachées, Cournon est méconnaissable. Et Verdi était à son Zénith ! Oui, au Zénith, après notre Johnny et avant Lara Fabian et un opéra rock dénommé « Mozart », programmé pour bientôt. L'Auvergnat, comme on le voit, est très mélomane.

Qu'allait faire Verdi dans cette galère ? Il participait au concours inter régional limousin. C'est une star. C'est un taureau, double vainqueur du concours national limousin en 2007, en 2008, et prix de championnat mâle et meilleur animal du concours en 2009. Il a fait l'admiration des Tchèques, qui, comme chacun le sait, sont des connaisseurs. Mais il arrête la compétition, il va devenir reproducteur à temps plein. On lui souhaite bien du plaisir car il connait la musique. Sa progéniture est déjà exportée vers la Suisse, l'Espagne, l'Allemagne … et l'Italie, juste retour des choses, à Busseto peut-être.²

La NASA a bombardé la Lune. Un projectile de 2,3 tonnes lancé à 9000km/heure. Ça a fait un cratère géant et une gigantesque projection de matières que l'on est en train d'analyser. On cherche l'eau de la Lune, au fond des puits sans doute. Alors qu'il suffirait de tendre d'immenses toiles d'araignées pour recueillir la rosée, chaque matin. Notre Cyrano de Bergerac, grand voyageur interstellaire et familier des lieux lunatiques serait indigné de voir de quelles brutales manières nous traitons notre satellite, sans nous préoccuper du sort de ses habitants, qu'il a bien connus durant le séjour qu'il y fit. Et que faire d'eau sur la Lune, alors que nous allons bientôt en manquer sur Terre ! Qui a décidé que la Lune nous appartenait, de quel droit la martyriser ainsi ! « Ajoutez à cela l'orgueil insupportable des humains qui leur persuade que la nature n'a été faite que pour eux; comme s'il était vraisemblable que le soleil, un grand corps, quatre cent trente-quatre fois plus vaste que la terre, n'eût été allumé que pour murir ses nèfles et pommer ses choux. »³ Cyrano y avait vu une sorte de paradis terrestre, « le pays où les alouettes tombent toutes rôties ».

A Clermont-Ferrand, grande manifestation de paysans mal lunés. Cinq cents tracteurs mastodontes, avec des roues de deux hauteurs d'homme, venus des fins fonds de la région, abreuvés de gasoil détaxé, rangés place de Jaude comme à la parade. Et Vercingetorix survolant⁴, immobile, toute cette grondante mécanique, avec à ses pieds, deux taureaux salers de plus d'une tonne ruminant leur rancœur contre le Gouvernement et l'Europe.

Le lendemain, l'Auvergne et le Forez ont connu leurs premières gelées. Les nèfles seront bientôt blettes et délicieusement sucrées.

Et c'est ainsi qu'Allah est grand.