CHRONIQUE 48

Publié le

CHRONIQUES  2009

 

 

QUARANTE – HUITIEME  SEMAINE

 

 

 

De la préhistoire. Du bon vieux temps. Des jeunes et des vieux. Des réseaux. De la montagne. Des trous. Des fêtes. Grandeur consécutive d'Allah.

 

 

L'Homme est un animal social. Du plus loin qu'il lui souvienne, et même avant. C'était une question de survie. Tout seul dans la steppe, il ne serait pas resté longtemps en vie. Bien serrés dans la caverne, on a moins peur, moins froid. On peut avoir des projets d'avenir : capturer le feu, chasser de concert les grosses bêtes et ne plus se contenter des charognes délaissées, effaroucher l'ours des cavernes en criant bien fort, comme Mireille Mathieu, et envisager de partir en vacances en club, ou changer de voiture. Ou faire son malin devant les copines en taguant les parois de la caverne.

Cet instinct grégaire s'est maintenu jusqu'à nos jours. Il n'y a guère, les prétextes étaient nombreux de se réunir et de se réchauffer en commun. C'étaient les veillées, où l'on se sentait bien en racontant des gnorles et en entendant, à l'abri du Diable et des loups-garous, le vent gronder dans la cheminée. C'étaient les sorties de messes du dimanche, au bistrot de la place, ou les foires, où en vendait les bêtes et mariait les filles, et les noces et les retours de noces, et les batteuses. Et les fêtes patronales, les votes. Et les guinguettes au bord de l'eau, où en tournait une, et même plusieurs. Les jeunes ont eu le bal des conscrits, puis les boums et maintenant les teufs, où l'on ne s'assomme pas que de bruit. Les vieux ne sont pas en reste, avec leurs clubs de belote, de bridge, de randonnée, de danse, de dentelle aux fuseaux, de collectionneurs. Et leurs chorales, leur gymnastique, volontaire ou non, leurs séances de remise en forme plus ou moins exotique, et leurs voyages. Vous les voyez passer dans leurs bus bourrés à en craquer ( et non pas : dans leurs bus, bourrés à en craquer...), se diriger en rangs serrés vers le plus proche restaurant où ils festoient de nourritures que le corps médical réprouve. Au café, ils se souviennent, la larme à l'oeil, de leurs grandes et belles grèves, bannières au vent et calicots déployés, « Tous ensemble, tous ensemble ».  Sous les effets conjugués du bordeaux, du pinot gris et de l'émotion, c'est bien le diable si l'un ou l'une n'entonnera pas – et il faut dire que d'aucuns ont encore un bel organe - le Chant des cerises, la Yoyette, la Briance, et parfois, pour le fun, « c'est la lutte finale … », sous le regard blasé des serveuses. Comme des gamins qui ne veulent pas quitter le manège, ils retardent la séparation qui les conduira vers leur appartement silencieux, où les souvenirs les assaillent, où, en compagnie du chat et du poisson rouge, ils vont essayer de tuer le temps jusqu'à la prochaine réunion.

L'Homme est industrieux. Les technologies de pointe le relient maintenant à ses semblables. « Restez connecté partout » lui dit la réclame. Et il l'est.  Partout, et avec n'importe qui. On veut être son ami sur Facebook, des Vénézuéliens, des Hottentots, des Bas-Limousins, des manchots, des marsupilamis, des Mapuches. Avec un forfait internet everywhere, il peut bénéficier d' e-mails illimités et de 18 heures de surf, de chez lui, ou d'ailleurs avec une clé 3G, pas besoin d'aller à Hossegor, Capbreton ou Hawaï. Et de 200 photos ( lui qui a connu la boite cubique Kodak !) et de 100 heures ... de chat ! Le français moderne l'interpelle. A l'heure où il cherche son identité, on lui parle, entre autres, de kit, de zoom, de walkman, de webcam, de widgets, de bluetooth, de prise jack, de peer-to-peer et de hot-line. Il se souvient d'une Line, autrefois, mais elle était déjà vieille fille à 20 ans, avec un indéfrisable indéfrisable qu'aucun garçon n'envisageait de défriser. De là à la trouver hot !

L'Homme se sent observé de toutes parts, englué dans la toile. Cette promiscuité finit par lui peser. Il connait, en montagne, quelques zones où il n'y a pas de réseau. Je vous les conseille. Au pied du pierrier, c'est un calme souverain. Les marmottes ont signalé votre présence, à votre arrivée Elles sont maintenant en confiance et, comme vous, profitent du soleil. Les petits jouent à saute mouton à proximité des terriers. Plus haut, le névé se laisse aller. Dans le silence, vous entendez l'eau de fonte dévaler doucement entre les pierres. Profitez ! Bientôt Twitter vous donnera les dernières nouvelles du Président.

 

Pour boucher le trou de la Sécurité sociale, le gouvernement a décidé de rembourser, à 15% seulement, des médicaments à service médical rendu faible ou insuffisant, dont les antiflatulents. Nos bovins agrandissaient déjà le trou dans la couche d'ozone par leurs émissions de gaz. Les Français, à raison de 2 à 20 litres par jour et par personne, vont aggraver la situation. C'est essayer de combler un trou en en faisant un autre.

 

Le 26 novembre, les Américains fêtent Thanksgiving et mangent de la dinde. Le 27, ou le 28, les musulmans de chez nous célèbrent l'Aïd el Kebir (ou Aïd el Addha) en sacrifiant un mouton. Bon, moi, je vais me faire cuire un oeuf.

 

Et c'est ainsi qu'Allah est grand.

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