SEPTEMBRE 2011

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Septembre 2011

 

 

 CHRONIQUE DES BEAUX JOURS

 

 

 

Septembre finit en été, en canicule. C'est assez dire que le chasseur et son chien en sont tout tourneboulés. Ils battent en vain la campagne, la truffe et le gosier secs. Ils errent à tâtons dans les taillis, en vain. Le gibier se terre au plus profond du frais et refuse d'en être délogé. En ville, les collégiens suent sang et eau sur d'arides exercices et attendent, dans la morosité et la moiteur ambiantes, l'heure de la sortie. Et l'on regrette avec eux les antiques problèmes de robinets et de baignoires dispensateurs d'un peu de fraîcheur.  Le gouvernement en profite pour taxer et surtaxer les sodas bien frappés, afin de combattre l’obésité de la dette.  

Ce beau temps extrême est propice aux défilés. Ceux des enseignants et des parents d'élèves, bien sûr, qui protestent en tenue estivale contre le sort que subit l’Éducation nationale, personnels publics et privés pour une fois unis dans la même revendication. Sur leur passage, les limonadiers mettent les bouteilles de rosé au frais ; le rosé, qui ne fait pas grossir, se porte bien cette année. Défilés de mode également, celle de l'été prochain, mais ce sont en fait des vêtements tout à fait d'actualité. Dans le même temps, sur le pas de leur porte, les boutiquiers guettent en vain le moindre souffle annonciateur de l'automne. L'humeur n'est pas au renouvellement de garde-robe. Qui songerait à s'équiper de pulls, de parkas et de bottes fourrées ? Encore que !

La femme a beaucoup été à l'honneur en ce mois de septembre. On l'a souvent vue au bras de son mari, regardant sans faiblir les cameras, et souriant. Un sourire qui a fait beaucoup divaguer les chroniqueurs et les échotiers ; que cachait-il ? Il faudrait demander à La Joconde, experte en la matière.

Nous avons eu notre semaine de la Gastronomie et on a mis les femmes aux fourneaux. Et puis ce sont elles qui sont passées à table. Leurs maris s'étaient fait la malle, alors elles ont raconté des histoires de valises. Du coup les voyageurs sncf regardent d'un œil neuf les costumes cerrutti qui montent en première. Ils n'imaginaient pas que, sous les chemises de rechange de même provenance, pouvaient se cacher, dans la valise à roulettes,  des liasses de billets. Pourtant on en a connu des valises. Souvenez-vous de celles de l'exode, des exodes, remplies à la hâte de pauvres affaires, des mouchoirs propres, du linge de corps, le livret de famille, le jouet préféré du petit. Et vous avez vu le monceau des valises des déportés, vidées et empilées à l'entrée des camps.

 

 

Souvenez-vous de la valise de l'Auvergnat qui montait à Paris voir la famille. On n'avait guère dépassé Riom - Je parle de Riom plaine - qu'une petite faim tenaillait notre homme. Il descendait prestement sa valise et la posait sur ses genoux. Ouverte, elle offrait aux voyageurs toutes les victuailles

de sa terre d'Auvergne, soigneusement emballées dans des linges blancs, par une femme qui savait faire une valise et ne s’embarrassait pas de billets, fussent-ils suisses. Notre homme était partageux. Les odeurs mélangées du gaperon bien fait et du saucisson sous la cendre avaient tôt fait d'envahir le compartiment. Le rosé de Corent détendait l'atmosphère. Et pour peu que plusieurs Auvergnats de même religion, bios avant l'heure, fassent le voyage de concert …

En son temps, on a chanté la valise en carton, et on en a souvent ri. Mais vous, vous en voyez encore une, bien fatiguée, échouée au fin fond d'un grenier, dans une petite ville d'Auvergne, à côté d'une caisse à outils qui contenait encore la taloche, les brosses à peindre le faux bois et les peignes. Une valise qui avait beaucoup roulé sa bosse mais n'avait jamais transporté le moindre billet.

Revenons aux femmes. Par le truchement de la BBC, notre grande dame nous apprend que notre président l'a conquise par sa connaissance des appellations latines des fleurs, dans les jardins de l’Élysée. Nous voilà bien. Si la mode s'en répand, devra-t-on faire sa cour une flore à la main ? Conseillons aux prétendants débutant en la matière, plutôt que d’investir dans les douze volumes reliés (in-4, avec 7800 figures) de Gaston Bonnier, de porter leur choix sur la petite flore du même auteur qui devrait suffire et en a fait soupirer plus d'une, pour peu qu'elle ne soit pas trop versée sur la chose. Pour ma part, j'ai souvent utilisé avec succès, pour les petites filles, les Chantefleurs de Robert Desnos, et pour les autres, il n'y a guère, pour un herbier, de Colette, illustré d’aquarelles de Manet. « Qu'ai-je à faire de ton état-civil ? ma religion te baptise mieux, Rose, toi que j'appelle en secret Péché pourpre, Abricotine, Neige, Fée, Beauté noire ... »

Pendant ce temps, où en est l'Homme ? Tout septembre, il a surveillé les bourses. Son Cacarente joue au yoyo. L’auvergnat, lorsqu'il passe devant sa banque, trouve que les employés ont un air un peu absent, pour tout dire équivoque, et qu'ils fument leur cigarette avec une assurance un peu forcée. Et il s'étonne d'apprendre qu'on a pu prêter de telles sommes à des insolvables, alors que pour le moindre petit emprunt il a dû fournir des électrocardiogrammes, des analyses d'urine, les revenus de ses arrières grands-parents, répondre à des questionnaires, cocher des cases (votre grand-mère fait-elle du vélo, de quoi est décédé votre père ?), et déclarer sur son honneur qu'il rembourserait « avant l'août, foi d'animal, intérêts et principal ».

 

La mode est aux petits livres, j'entends aux opuscules. Voyez Indignez-vous, de Stéphane Hessel, un succès mondial, un phénomène d'édition. Et la mode est à l'indignation.

  Lisons plutôt L’Heure du roi, de Boris Kazanov. Parabole d'un vieux roi qui précipite son pays occupé dans le désastre pour dix minutes de liberté et de protestation silencieuse qu'il s'accorde. La beauté d'un geste qui relève son honneur et celui de son pays.

 

Le rouge-gorge vient de nous rejoindre. Il va être temps de bêcher le jardin. En attendant, cueillons les dernières roses de septembre, ce sont les plus parfumées. 

 

     

    Écrites pendant l'occupation, juste avant son arrestation par la Gestapo

    On le trouvait en 1955 chez Mermod éditeur

    Indigène  éditions, 32 pages, 3 euros

    Viviane Hamy éditeur, 127 pages, 7 euros

Publié dans Chroniques

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