CHRONIQUE 34 - 35

CHRONIQUES  2009

TRENTE QUATRE ET TRENTE CINQUIEMES SEMAINES

Des vacances exotiques : Vosges, Canton de Vaud. Parlons romand et rapatrions notre argent, les banques suisses ne sont plus ce qu’elles étaient. Grandeur consécutive d’Allah

Les Vosges datent de la plus haute antiquité. Dans sa grande prévoyance, Dieu a créé en même temps qu’elles le Club Vosgien[1], qui entretient et balise des kilomètres et des kilomètres de sentiers. Le randonneur parcourt cette montagne, chenue comme la Limousine, mais qui réserve de belles et rudes dénivelées, de vallées en vallées, de lacs en lacs. Il monte jusqu’à l’Altenweiller, dans son cirque glaciaire, au pied du Rainkopf et du Kastelberg. Il envisage de s’y baigner, mais se souvient opportunément que l’eau y est fraiche, et même froide. Les autochtones s’y jettent pour quelques brasses,  avec un enthousiasme de nouveaux convertis. On rencontre dans ces eaux encore sauvages des truites peu farouches,  et des Hollandais, mâle et femelle. Nus comme des vers, ils s’ébrouent en toute innocence. Ils se nourrissent de biscuits secs et offrent leurs fesses roses au soleil. Ragaillardi, le randonneur atteint allègrement une ferme auberge où il apprend gustativement l’alsacien en attaquant avec vigueur un repas marcaire arrosé d’un edelzwicker léger. Les vaches rentrent seules pour la traite. La brume s’élève des vallées. Sur le banc rustique de la terrasse, poli et blanchi par les intempéries, il attend le soir. Dans la pénombre, il retourne  à la civilisation.

Le voilà dans le canton de Vaud,  encore une fois tout étonné de constater combien l’autoroute, si parcimonieuse en Limousin, abolit les distances, pourvu que les émirs l’approvisionnent en carburant. Il hisse ses septante et quelques années  jusqu’aux sommets qui portent la vue au loin, vers les rivages embrumés du Léman[2], vers le massif du Mont-Blanc, vers les Dents du Midi, vers le Chablais, à ses pieds, cette vallée du Rhône domestiqué, avec ses vergers, ses cultures et au piedmont, les vignes abruptes. Il attaque les premiers contreforts des Diablerets, rencontre les bergers, et leurs moutons dispersés sur les terrasses herbeuses, défendus des loups par d’énormes chiens peluches agressifs, les « patous ». Au refuge tenu par des Bretons[3], il commande un renversé[4] et s’amuse des expressions romandes des accompagnateurs. Il se souvient alors de sa grand-mère, vaudoise de Vallorbe, qu’il a trop peu connue pour en apprendre le savoureux parler, qui lui lavait le museau avec une lavette et passait la panosse sur le sol de sa cuisine. Mille mètres de descente, de verrou glaciaire en verrou glaciaire, dans les moraines et les pierriers, puis la fraicheur du torrent.

  Aussi de plus paisibles pâturages[5] avec les chalets d’alpage couverts de tavillons de mélèze. Les armaillis y coupent déjà et empilent le bois qu’ils utiliseront la saison prochaine. Il faut encore redescendre par la prairie, en évitant les traîtresses et odorantes beuses de vaches. Les carlines argentées sont sèches sur les talus et déjà les colchiques sont en fleur. Les premiers champignonneurs cherchent cèpes et chanterelles.  Il est temps de revenir sur France, l’automne est là.

Embouteillages à la sortie de Bâle. Les Français ont entendu leur Ministre du Budget. A pleins coffres ils rapatrient leur argent. Ils le mettront dans des niches fiscales, comme ça grandes.

« Quand on voit ce qu’on voit et qu’on entend ce qu’on entend, on est heu reux de penser ce qu’on pense », dit le Vaudois. Et « quand ça deva, ça reva. »

Et c’est ainsi qu’Allah est grand.