JANVIER 2012

Publié le

Janvier 2012

 

 

CHRONIQUE DEGRADEE

 

Janvier est traditionnellement le mois des soldes.

On solde d’abord les vœux. Dès le milieu du mois qui oserait envoyer un SMS de bonne année, même et surtout, à une vieille tante à héritage ? Après le quinze du mois, on peut, à la rigueur, essayer encore une carte, avec un peu de chance on en trouvera une gentillette, de petit format seulement et un peu défraîchie, au fond d’un présentoir.  Ces vœux  soldés n’ont pas la même valeur. Ils sentent le rance et le réchauffé, leur sincérité, leur enthousiasme manquent à l’évidence de vigueur. On répare un oubli, on raccommode un impair. Ce sont en quelque sorte des vœux au rabais. Bien autre chose sont les vœux authentiques du premier du mois et des jours suivants, ces vœux en rafales, en giboulées, en listes de destinataires, les désintéressés se mêlant aux plus sincères. Et ces accolades démonstratives, ces bizouillades, ces poignées de mains énergiques qui se veulent chaleureuses, ces discours convenus, ces congratulations ostentatoires. « Heureuse année, et surtout la santé ! » Vœux pieux ou hypocrites, et de bien peu d’efficacité, sinon, depuis le temps, le malheur aurait disparu de cette Terre, et nos santés seraient florissantes. Ou alors, vœux incantatoires, pour conjurer le mauvais sort et éviter que le ciel ne nous tombe sur la tête. Peut-être aussi la satisfaction égoïste d’avoir eu la chance d’avoir vécu une année de plus sans de trop gros déboires.

On a également soldé des A, et notre AAA est devenu AA+. L’Agent de Notation a longuement scruté les indices, les bas de laine, les livrets de caisse d’Epargne, les matelas et les piles de linge de l’armoire. Il a fouillé dans nos Economies et nos Dettes et envisagé nos perspectives. Il a pris des températures, calculé des ratios, ratios d’équilibre, de trésorerie, etc. Disons qu’il a ratiociné. Il a tracé des courbes, pesé au trébuchet, et à la louche. Apprécié les dépréciations et déprécié les appréciations, sondé les coffres, suivi le cours de la banane plantain, gelé les liquidités et interrogé les indics de conjoncture. Enfin il a suivi de près les mouvements des bourses.  Après avoir rajusté ses lunettes, rectifié sa cravate et remonté ses chaussettes, (il a des mollets tout maigrelets et très vaguement pileux et il les a toujours sur les talons, d’où son caractère aigri et ronchon) il a décrété donc la perte d’un A. Sa mansuétude nous a gratifié d’un +, en attendant la suite. Son système de notation est très sophistiqué, c’est que le gaillard a l’oreille fine, il jongle avec les bémols, dièses et bécarres et autres altérations, les BA, les BB, les AA, les AB, les BABA … C’est qu’on y tenait à notre triple A, notre avenir en dépendait. De cette dégradation, on n’a pas parlé plus de huit jours. On a appris que ce n’était pas si grave, que de toute façon, nous étions déjà subrepticement dégradés, qu’en fait il s’agissait d’une régularisation. Nous étions AA+ sans le savoir.

Et puis on a tourné la page et nous sommes entrés en campagne. L’Auvergnat s’en est réjoui. Rien ne vaut une bonne entrée en campagne. Il ne boude pas la campagne de janvier. Janvier est un mois très particulier. Un mois d’hiver, mais pas vraiment. Les jours allongent, mais si timidement au début du mois. Janvier a des douceurs, l’autre jour les mésanges batifolaient en bandes avec des cris printaniers. Comme à son habitude la Durolle a envahi les pâtures environnantes. Au matin, les flaques stagnantes sont prises. Janvier a des langueurs dépressives, des bruines, des pluies fines, désespérantes, à longueur de jour. Mais aussi des ciels clairs, des soleils timides mais caressants. Des horizons bouchés ou des lointains clairs et précis. On y devine une vie encore endormie mais déjà frémissante.

Mais une campagne électorale de trois mois aura-t-elle autant de charmes ? Cette campagne a débuté pour tous les candidats, avec plus ou moins de vivacité, et de moyens. Elle a perfectionné notre vocabulaire, remettant au goût du jour des mots un peu oubliés. Nous avons eu le « mec », qui a fait gloser. L’occasion de se replonger dans le Guide des gens du monde pour les tenir en garde contre les mouchards, filous, filles de joie et autres fashionables et petites maîtresses de la même trempe, par un Monsieur comme il faut, ex pensionnaire de Sainte Pélagie, le mec à l’époque c‘est « le bon Dieu » Tout évolue, nous avons eu, selon Vidocq, le mec des mecs (Dieu), le Grand Mec (le Roi), le mec de la rousse (Le Préfet de Police). Et puis, tous les pauvres mecs, les drôles de mecs, les braves mecs, les « mon mec à moi », les sales mecs, le mec fortiche, le p’tit mec, le mec à la redresse et, Mec des Mecs, préservez-nous en, les femmes-mecs !

Le naufrage d’un paquebot de croisière a eu des conséquences lexicales. D’abord on a apprécié qu’un des candidats  soit vu par ses adversaires comme un conducteur de pédalo, dont l’allure placide et la stabilité inspirent toute confiance. Mais surtout le vocabulaire nautique a été brusquement totalement proscrit. Finis les « hommes à la barre », et ses dérivés, ceux qui savent « éviter les écueils », qui « maintiennent le cap », qui nous mènent « à bon port », qui « abordent avec confiance », finis « le capitaine dans la tempête », « le maître à bord », « l’équipage valeureux ». Le monde politique a été frappé par le syndrome du Titanic.

 

L’Homme vient d’inventer le racisme canin. On ne parle pas des races de chiens, fruits d’une patiente sélection, mais bien de notre racisme à nous, que nous nous appliquons chaque jour  entre humains, cette fois à l’encontre des chiens.  C’est en Hongrie qu’est née la préférence nationale canine. Les propriétaires de toutous de race non hongroise, et eux seuls, paieront une taxe spéciale. Le racisme xénophobe privilégiera donc le kuvasz, déjà connu au temps des Huns, c’est tout dire, le brachet hongrois (erdelyik kopo), le braque hongrois à poils courts, « il a une tête très sérieuse » disent les spécialistes, le mecsek et le kekas, ce dernier plus élevé, le tokaj qu’appréciait Louis XIV, le komodor (à le voir tout en poils, on dirait un chanteur rasta). Le parlement hongrois a massivement voté cette nouvelle loi. On n’a pas consulté et fait voter les chiens de race hongroise. En bons chiens qu’ils sont, ils auraient certainement rejeté cet ostracisme à l’égard de leurs congénères. D’ailleurs l’un deux, le braque, descendrait d’un chien turc et peut-être d’un arabe. Et que deviendront les bâtards, les corniots, les métèques, les métis, auraient-ils demandé ? L’Histoire nous le dit.

Janvier fut zoologique. A grands frais, et par avion spécial, la Chine nous a prêté moyennant quelques espèces trébuchantes, deux pandas, mâle et femelle, après de longues années de palabres au plus haut niveau. Ces étrangers là ne viennent pas manger notre pain, ils ne consomment que du bambou.

L’Europe aussi s’intéresse aux animaux, la France, entre autres états, vient d’être mise en demeure d’augmenter l’espace des poules pondeuses élevées en batterie. Elles devront aussi disposer d’un perchoir, d’une litière, de grattoirs et d’un nid pour pondre. C’est la moindre des choses. Pourquoi pas un coq, un clocher et la télévision, ou un renard diront les grincheux ! Il parait que la Commission européenne va maintenant se pencher sur la surpopulation carcérale en France.

Animaux toujours, et bien triste nouvelle. Cheeta est mort, à 80 ans, la 31 décembre. Et déception, Cheeta était un homme. Oui, la facétieuse guenon, fidèle compagne du Johnny de notre enfance. Ces grimaces et ses cris vous sont encore familiers.

Consolons nous, deux cabots vont sans doute être primés aux USA, Uggy, un jack russel et Jean Dujardin, un artiste français.

« Mouche ton nez et remonte tes chaussettes » lui disait sa maman.

Le support-chaussette, bien que faisant sérieux, et distingué, lui provoque des varices.

Paris, Chez les marchands de nouveautés. 1827

Vocabulaire de Vidocq, 1837

Patricia Kaas.

Il a bien vieilli maintenant.

Publié dans Chroniques

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article