NOVEMBRE 2011

Publié le

Novembre 2011

 

 

CHRONIQUE OBEREE

 

 

 

La Grèce est au plus bas, la Grèce est endettée, de tout là-bas au fin fond du Péloponnèse, les caps Matapan et Maléas et l’île de Cythère, jusqu’au plus petit ilot des Sporades du sud, rocher grec jeté à la face de la Turquie. La Grèce fait banqueroute, la Grèce a emprunté à tout va. La Grèce va mal et des barbares prétentieux, arrogants et suffisants se permettent de la tancer.  On a mal pour elle.

Spécialement l’Auvergnat qui partage avec elle les cratères, qu’il a  profonds, (il les remplit parfois d’une eau mystérieuse, ténébreuse et glacée) ou égueulés, dont les pentes adoucies sont propices à l’élevage des moutons, des vaches et des randonneurs (trois modèles : « le vieux campeur », haut de gamme, le « décathlon », amateur averti et le « go sport », plutôt promeneur du dimanche désargenté) .

Et l’Auvergnat n’en croit pas ses oreilles, la Grèce a des dettes ! Alors qu’on lui doit tout, qu’on lui a beaucoup emprunté, mais sans jamais lui  rendre. Elle aurait dû demander des intérêts pour les « prêts » de sa statuaire dispersée dans nos musées européens, Paris, Londres, Berlin, les frises du Parthénon, la Victoire de Samothrace, la Vénus de Milo ….

Et bien d’autres dettes encore : que serait-on sans l’alphabet grec, l’alpha et l’oméga ? Sans le phi, pas de philosophes, et sans  philosophe … que serait devenue la Lybie ? Privés d’Aristote, les péripatéticiens tourneraient à vide sous les péristyles. Sans le psy, pas de psys ; sans Œdipe, pas de complexe. Sans Esope, pas de La Fontaine, sans Euripide, pas de Racine. Sans Sisyphe, pas d’Albert Camus. Que serait Baudelaire sans l’Héautontimorouménos ? Et Aristophane où les femmes, seules, refont le monde en appelant la paix ! Sans Eratosthène, pas de mesure de la circonférence terrestre, sans Hippocrate, pas de flegmatique, de mélancolique, de lymphatique, de colérique. Et Homère, et Antigone ! Et l’hippopotame ! Et le talon d’Achille ! Hors, sans talon d’Achille, pas d’Achille Talon ! Aussi la Belle Hélène, et « l’époux de la reine, poux de la reine, poux de la reine, le Roi Ménélas … ». Et le Mont Parnasse où sont les muses, alors que nos poètes furent à Montparnasse : Apollinaire, Desnos, Max Jacob, Cendrars, et les peintres : Gauguin, Matisse, Chagall, Soutine … Et l’Olympe, avec des Dieux qui se mêlent de la vie des hommes, qui trouvent nos femmes agréables, qui interviennent à tout propos, qui soufflent le chaud et le froid et se mêlent de nos petites et grandes affaires. Des déesses parfois aguicheuses, jalouses, guerrières, des demi-dieux, des nymphes partout, des satyres au coin de chaque bois, des exploits herculéens, le tout dans un joli foutoir apparent, comme la vie qui va. Et puis, comme nous dit justement Alexandre Vialatte, comment pouvait-on nager avant le principe d’Archimède ?

Nous devons à la Grèce, Jean Moréas, « Coupez le myrthe blanc aux rivages d’Athènes … », et d’actualité : « O novembre, tu sais que c’est ta feuille morte  Qui parfume mon cœur ». Et Pindare et donc la Pléiade. Aussi l’Elysée.

Nous lui devons des danses, le sirtaki, les syrtos et les pidichtos et Zorba le Grec. Et le komboloi. Et la moussaka et l’ouzo et le café turc et la vraie féta. Accessoirement la démocratie, aussi la politique, et,  l’hypocrisie. Aussi Mélina Mercouri, Cacoyannis, Mikis Théodorakis, Costa–Gavras (Z, L’Aveu, l’Etat de siège et Montand acteur) et Moustaki, le métèque pâtre grec. On peut encore l’entendre chanter, sur You tube, le chant révolutionnaire de Théodorakis « nous sommes deux, nous sommes trois … » Et Nana Mouskouri, chanteuse à lunettes, aussi Demis Roussos, chanteur à barbe. Et « les enfants du Pirée ».

Souvenez-vous du parfum des orangers dans la plaine d’Argolide, entre Mycènes, Tyrinthe et Drépanon, des coquelicots dans les ruines, des dévalades d’escaliers et des bougainvilliers, des portes bleu outremer, des chats, de la moussaka dans la taverne au fin fond de Plaka, des chants orthodoxes dans la petite église, des placettes avec leurs figuiers aux troncs blanchis, la taverne et ses chaises bleues et les tables recouvertes de nappes à pois rouges, des géraniums vivaces …

  

Vous l’avez compris, nous sommes tous  grandement les débiteurs de la Grèce. Nous devons beaucoup à la Grèce …  mais la Grèce doit beaucoup à nos banquiers.

 Les Dieux ont déserté, le Panthéon grec est vide. La Grèce, saisie par la fièvre consommatrice aurait oublié le vieil idéal de l’eunomia, le bon ordre, la gouvernance en fonction des bonnes lois. « Le secours qui ne vient qu’après le mal, et plus lentement, laisse toujours l’état en souffrance : tandis qu’on songe à remédier à un mal, un autre se fait déjà sentir, et les ressources mêmes produisent de nouveaux inconvénients ; de sorte qu’à la fin la nation s’obère, le peuple est foulé, le gouvernement perd toute sa vigueur et ne fait plus que peu de choses avec beaucoup d’argent. »

Purgon et les Diafoirus de la Phynance sont au  chevet de la Grèce. Clystères, purges et saignées. La voilà soumise au régime crétois : sans viande, quelques poissons, l’huile de ses oliviers, le lait de ses chèvres et ses fromages de brebis, les figues, le raisin, les légumes de son jardin, le miel de thym de l’Hymette. Ses misérables retraités, ses fonctionnaires réduits à la portion congrue.

 

Pour le reste, constatons que novembre a été composé de jours et de semaines, divers, et étonnants. Entre autres, nous avons eu successivement la journée de la gentillesse, puis la journée internationale contre la violence faite aux femmes, ce qui prouve qu’il ne faut pas abuser de la gentillesse et qu’elle a ses limites. Femmes, méfiez-vous des gentils ! Aussi la semaine européenne de réduction des déchets. Les Grecs ont apprécié, eux qui, maintenant, mangent leur pomme jusqu’au trognon et élèvent des chèvres aux flancs du Lycabette. Et Pénélope tricote nuit et jour pulls et  cache-nez avec des bouts de laine de récupération.  On confondrait Ulysse avec un vieil Auvergnat tricoté main, bi ou tricolore, à la veille d’un rude hiver.

 

A son procès, Carlos s’est revendiqué « terroriste professionnel ». « Je n’ai pas de regrets personnels pour les victimes innocentes » a-t-il déclaré. On reconnait bien là le vrai professionnel.

 

Opuscule du mois : Aux champs, avec Paul Cézanne d’Emile Zola. Il nous parle de son ami Paul Cézanne, mais pas seulement : « … je souhaite souvent, à cette heure que je suis mon maître, de m’anéantir dans un coin perdu, au bord d’une berge en fleurs, entre deux vieux troncs de saule. Il faut si peu de place à l’homme pour la vie éternelle ! Les vaines disputes de ce monde ne me passionneraient plus. Je me coucherais sur le dos, j’étendrais mes bras dans l’herbe, et je dirais à la bonne nature de me prendre et de me garder. »

 Où le Grec mélange le vin et l’eau. Les flancs de ces kratères sont artistiquement décorés de scènes mythologiques.

Et donc son voisin Hilarion Lefuneste, personnages créés par Greg, Dargaud éditeur

  Ioannis A. Papadiamantopoulos

« Imaste dio, imaste tris … »

  Ce qui prouve que «  Le Pirée » est bien un homme.

  Jean Jacques Rousseau, De l’économie politique, Tome V de l’Encyclopédie

  Le gouvernement grec nourrissait, nous dit-on, des fonctionnaires, nombreux, et des retraités opulents.

41 pages, Editions Rumeur des Ages, (septembre 2011)  

Publié dans Chroniques

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article